
Actualité Juive N° 296 du 09/03/06
Foule et sanglots de Sarcelles à Jérusalem
Recueillement.
Le Rav israël a été enterré vendredi 3 mars au Mont des Oliviers. Des milliers de personnes sont venues lui rendre hommage, que ce soit la veille à la synagogue de Sarcelles ou le jour même à Jérusalem.
Le quartier de la synagogue de Sarcelles était bloqué par les forces de sécurité jeudi 2 mars au matin tant la foule venue se rendre aux prières en mémoires du rav décédé la veille était importante. Au moins 3.000 personnes selon la police, ce qui laisse supposer qu’elles étaient encore bien plus nombreuses. Des haut-parleurs ont même dû être installés à l’extérieur du lieu de culte pour permettre à tous d’écouter les discours prononcés par les nombreux rabbins.
Une quinzaine se sont en effet succédé pour rendre un dernier hommage au Rav Israël. Parmi eux, le Grand Rabbin Sitruk bien entendu, mais aussi le grand rabbin de Paris David Messas, les rabbins Franckforter, Rottenberg ou encore Rav Hamou.
Dans la foule, Dominique Strauss Kahn ainsi que le maire François Puponi étaient discrètement présents. L’émotion était particulièrement forte. Chacune des personnes présentes semblaient devoir quelque chose au Rav et pleurait la perte d’un proche.
Les uns et les autres ont ensuite suivi le transfert du corps. Des avions ont été spécialement affrétés pour permettre à ceux qui le désiraient, d'accompagner le rav vers sa dernière demeure, au cimetière du Har Hazitim, le Mont des Oliviers à Jérusalem.
L'enterrement a ainsi eu lieu vendredi matin. Là encore, plusieurs milliers de personnes sont venus se recueillir. Les plus grands rabbins d’Israël avaient eux aussi fait le déplacement.
Tous ceux qui étaient relatent l'étrange phénomène qui s’est produit à ce moment là. Au moment de la mise en terre du rav, un halo de lumière s’est formé dans le ciel sous la forme de trois cercles qui entouraient le soleil. Puis un arc-en-ciel est apparu en cercle entier. A ce moment là, toute l'assemblée présente a regardé vers le ciel, vers le soleil, vers le soleil, dont l’une des appellations en hébreu est Yaakov, le prénom que portait le rav Israël.
Puis le soleil s’est dissipé au moment ou le dernier fils du défunt a quitté le cimetière.
Laëtitia Enriquez.06

Joseph Sitruk Grand Rabbin de France
Actualité juive-N °926 du 09/03/06
« Les sages le comprenaient, les ignorants le sentaient, mais tout le monde l’aimait »
Reconnaissance Le Grand rabbin de France rend ici un dernier hommage au rav Israël décédé.
« Avec Rav Israël s’est accompli l’adage de nos sages. Les Tsadikim, sont plus grands au moment de leur mort qu’ils ne le furent de leur vivant. En fait , qui n’a pas connu Rav Israël aurait pu le connaître en assistant à ses prières et à son enterrement. On a vu là une foule de gens, émus aux larmes et des dizaines de personnes qui pleuraient comme des enfants.
Je dirais de Rav Israël que sa vie se découpe en fait en deux phases. Une première pendant laquelle il avait toutes ses facultés physiques et intellectuelles. Cette phase pendant laquelle il a étudié jour et nuit de façon exceptionnelle, au point de devenir un très grand Talmid Haham, un grand Sage de la Torah. D’abord ses ouvrages. Il a en effet écrit un commentaire remarquable sur le Talmud. Et il reste le souvenir de tous ceux qui l’ont alors connu pendant ces années de plénitudes intellectuelle. Puis une deuxième partie de sa vie pendant laquelle il a été malade, reclus dans sa chambre, où il n’appartenait plus à la vie publique ni à la vie intellectuelle du peuple juif.
Et pendant cette période, au lieu de rentrer dans l’ombre, le rav a connu et a donné une autre sorte de rayonnement. Pendant ce deuxième rayonnement, on a vu plus le Tsadik (le juste) apparaître que le Sage.
La première partie de sa vie était le Haham, la deuxième partie de sa vie était le Tsadik. Il était en fait une leçon vivante de Torah. Jusqu’à son dernier moment, il comprenait tout ce qu’on lui disait. Pendant les dernières années ou il ne parlait plus, il pouvait encore x’exprimer et ne disait que des choses parfaitement intelligibles et sages.
Cette deuxième partie de sa vie est, je dirais, la plus exceptionnelle. Le rav a connu des souffrances considérables, desquelles il ne s’est jamais plaint. Il a accepté les épreuves que D.ieu lui a envoyées avec une abnégation et une joie invraisemblables. De son visage émanait une véritable lumière. Il rayonnait au sens littéral du terme.
Je dirais, pour résumer d’une phrase ces deux périodes : les sages le comprenaient, les ignorants le sentaient, mais tout le monde l’aimait. On dit qu’un Tsadik protège sa génération. Il ne fait aucun doute que c’est ce que le rav a fait jusqu’à ses derniers instants. Mais je voudrais rappeler à tout le monde que loin de s’arrêter, son mérite continue. Iil continue là où il est à nous protéger ».
Propos recueillis par L.E

Perte incommensurable.
C’est la communauté juive toute entière qui est en deuil et pas seulement celle de Sarcelles. Le rav Israël est décédé mercredi 1 er mars dernier des suites d’une longue maladie. Tous ceux qui l’ont connu ou qui sont venus le consulter rapportent la même chose à son sujet : plus qu’un très grand rabbin, il était surtout u père pour chacun.
Jusqu’à ses tout derniers instants, le Rav Israël a continué à recevoir ceux qui lui demandaient aide et bénédiction. Extrêmement affaibli par la maladie, il continuait, grâce à l’aide de sa fille Rivka, de dispenser ses conseils et de prier pour les uns et les autres. Pour avoir eu personnellement la chance de le rencontrer trois jours avant son décès, le contraste était, il est vrai, saisisant.
Un contraste d’abord entre la grandeur de l’homme et la modestie qui l’entourait. Ce grand rav, venu s’installer à Sarcelles en 1975, n’a jamais semble-t-il déménagé de ce petit appartement d’une citée de la « petite Jérusalem ». Ses titres de Dayan (juge) et de Possek Halakha (décisionnaire) n’ont en rien altéré son humilité. Sa salle à manger, transformée en salle d’attente permanente, ne désemplissait jamais. N’ayant plus la capacité physique de parler, alimenté par une sonde depuis plusieurs années, il semblait bien plus mal que tous ceux qui venaient le consulter, et pourtant, il semblait voué à prendre sur lui toutes les peines du peuple juif. Concentré sur chaque question qu’on pouvait lui poser, il rendait bien plus qu’un avis, il offrait aussi l’espoir.
Né à Fez au Maroc en décembre en , Raphaël Yaakov Israël a d’abord été apprenti bijoutier avant de partir pour la Yéshiva de Sunderland au nord de l’Angleterre. C’est là qu’il a rencontré tous les grands de la Torah. Il ouvrit en 1959 avec Rav Itah un collel à Sunderland et épousa en 1962 sa femme, Mazal, une descendante de Rabbi Yéoudah Benattar. Ensemble, ils eurent quatre enfants à Sunderland. Trois autres naquirent plus tard, après son arrivée en France.
Après l’Angleterre, il fur en effet solicité pour créer une Yéchiva entre Strasbourg et la frontière Suisse, à Hegenheim. Où il resta pendant six ans. Cette yéchiva a elle aussi connu un grand succès. Des étudiants venaient de Suisse pour profiter de l’enseignement du rav. Celui-ci fut à nouveau réclamé pour s’installer et dispenser son savoir à Sarcelles cette fois, où il arriva en août 1975. Peu après, il ouvrit un collel, un centre où étudient toute la journée douze hommes mariés et pères de famille. Le collel de Sarcelles a d’emblée acquis une grande renommée. Le rav ne leur a jamais demandé de colleter de l’argent dans la ville ou ailleurs. Les douze colle-men (hommes qui étudient au collel et qui sont aussi des chefs de familles) étaient bien payés.
Au fil des années et bien que sa réputation fur internationale, le Rav Israël était ainsi devenu de façon naturelle, le père, (le bouclier diront certains) spirituel de la communauté juive de Sarcelles.
« Il est devenu célèbre pour son abnégation, son écoute, et sa disponibilité malgré un emploi du temps très chargé. Il n’a jamais ménagé ses efforts pour rendre service, pour parler ou pour aider matériellement des gens dans le besoin » rappelle Gérard Uzan, docteur et proche du rav Israël. L’une des anecdotes connues à son sujet veut d’ailleurs qu’a une famille juive venue de Sarcelles rencontrer le Rabbi de Loubavitch de New York, celui-ci leur a dit « pourquoi avez-vous fait des milliers de kilomètres pour venir me voir alors que vous avez un grand sage dans votre propre ville ? ».
Le rav a été aussi précurseur dans plusieurs domaines. C’est lui qui a permis aux personnes hospitalisées d’avoir accès à la nourriture cachère, notamment au sein de l’ancienne clinique de Sarcelles, aujourd’hui Hôpital. Parmi la pléthore de cours qu’il dispensait, il y avait aussi celui du mercredi soir consacré aux médecins.
Au delà de l’empreinte qu’il laissera dans les coeurs, il lègue, aussi une œuvre capitale pour ceux qui étudient la torah. Le Menouhat Aaron, ou dix-sept volumes de commentaires du Talmud que le rabbin a rédigé tout au long de sa vie. A partir du moment où sa santé ne lui a plus permis de poursuivre cette rédaction, c’est son fils, Aaron, qui s’est attelé à reprendre les annotations de son père pour permettre leur publication. Aujourd’hui tous les centres d’études ainsi que les plus grands rabbins que ce soit en France ou en Israël, considèrent le Menouhat Aaron comme une référence ne la matière.
« Le Rav Israël était très aimé, sans doute parce qu’il était humble et qu’il ne courait pas derrière les honneurs, explique encore le docteur Uzan. C’était un grand de la Torah et il était reconnu comme tel par ses pairs ». A l’annonce de son décès, le consistoire de paris a déclaré que la communauté était « orpheline et en deuil », puisqu’elle venait de perdre « un Grand Maître de notre génération. Un Tsadik (Sage) reconnu par tous les Guédolim (Grands) de la Torah, une référence mondiale de la Torah et de la Halakha ».
Laëtitia Enriquez
Actualité juive-N °926 du 09/03/06